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Test de The Cave: un retour réussi pour Ron Gilbert

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Dans quelques générations, on racontera aux enfants qu'il y a eu trois cavernes dans l'histoire du monde. Les grottes de Lascaux, la caverne de Socrate, et The Cave de Double Fine Productions.
On raconte que de temps en temps, une fois sur un million, un super jeu apparaît, comme une révélation. En fait, ce n’est pas n’importe quel jeu, c’est celui qu’on attendait. L’unique, celui dont on se dit qu’il est le digne représentant de son genre et qu’on voudra qu’il reste dans les mémoires. Car le type aux commandes, c’est Ron Gilbert, et cet homme, c’est avant tout une œuvre. L’ancien de LucasArts a conçu les meilleurs jeux d’aventure existants sur PC, à savoir Maniac Mansion ou Monkey Island. Et puis Tim Schafer (un autre demi-Dieu) et lui ont monté Double Fine Productions, en souvenir du bon vieux temps. Quelques très bons jeux plus tard, pour se refaire la main, voici The Cave, un digne descendant de cette belle période des jeux vidéo des années 1980 et 1990.

The Cave, c’est une ode à tout ce qu’on a connu à l’époque, la formidable saga des point & click de LucasArts. Le jeu commence comme dans Maniac Mansion. Nous sommes devant l’entrée d’une caverne. Une voix off vient de nous présenter brièvement ce qu’on va découvrir, avec une voix… caverneuse (ah ah, on se poile bien ici). Après un flot de blagues ironiques et de récits obscurs, la caméra s’arrête sur une bande de sept personnages qui se tiennent debout. Et démerdez-vous. Tous ont une compétence particulière (on le découvrira après), un univers bien à eux et un accoutrement qui en dit déjà long sur leurs aspirations. À la première rencontre, on apprend donc qu’il y a, entre autres, un chevalier qui veut récupérer Excalibur, une fille qui voyage dans le temps pour réparer les erreurs du passé, un fermier qui cherche l’amour (hommage à M6) et tant d’autres. Graphiquement, les personnages sont déjà attachants et le décor, 2D modélisée en trois dimensions, donne envie de partir à l’aventure.

The Cave is rebiffing, with John Gabone

Sans s’en rendre compte, en réalité, le jeu a déjà commencé. La voix s’est tue et on découvre un HUD très simple: trois icônes en bas qui représentent les trois personnages qu’on va choisir pour le jeu qui arrive. Il faut bien l’avouer, la simplicité du soft est déroutante au début. On apprend donc qu’il faut choisir trois personnages pour s’engouffrer dans la grotte. À vous de décider, dans un chapitre préliminaire de quelques minutes qui vous apprendra très rapidement que le jeu ne se prend pas la tête. C’est super simple et le gameplay est très intuitif (tant mieux, il faudra découvrir soi-même). Le jeu se joue au clavier ou à la souris seule. Au clavier, il suffit de mettre les doigts sur les 4 touches de déplacement, une touche pour sauter et une autre pour utiliser le super pouvoir du personnage (le chevalier peut revêtir une bulle protectrice, le moine bouddhiste dispose de la télékinésie, la voyageuse dans l’espace-temps peut se téléporter à quelques mètres…). À la souris, c’est aussi simple, et ça reprend ce qu’on a connu il y a vingt ans: on clique sur l’endroit qu’on veut atteindre, un clic droit pour sauter, le bouton du centre pour activer le pouvoir. Bref, l’espèce de premier niveau/tutorial est très court: on découvre que chaque personnage peut porter un objet trouvé dans la cave et qu’il suffit de faire un coup de molette ou d’appuyer sur 1, 2 ou 3 pour switcher entre les protagonistes.

Le petit côté point & click est renforcé par un aspect qui est bien connu des fans: l’humour à tous les niveaux. Comme dans Monkey Island, on trouve des tas de pancartes avec des conneries griffonnées dessus. La voix off, qui raconte un peu sa vie, s’amuse avec les joueurs, se moquent d’eux parfois. De temps en temps, elle prévient. «Attention à ne pas se faire mal, ou tuer. Ou dévorer vivant. Non, oubliez le dévorer vivant. Spoiler!» Ce qui était pour le coup vraiment un spoiler, d’ailleurs. Mais bref. Le narrateur est en quelques sortes un huitième personnage, qui intervient rarement mais pour balancer des remarques toujours excellentes et ironiques, pour commenter le jeu et le mettre un peu en abyme. On retrouve de l’humour typique et bien connu. D’ailleurs, les références à l’univers de Ron Gilbert sont implicites mais toujours dans un coin. Rien que la palette de personnages, principaux ou secondaires, font penser à des tronches comme Stan, le vendeur de Monkey Island, ou Bernard de DOTT. On trouve même Polly le perroquet, qui veut un biscuit, comme à l'époque des aventures de Guybrush Threepwood. Les personnages ont tous une petite posture qui en disent long sur leurs personnalités, et des animations en rapport avec leurs rangs ou leurs professions. Notez que seuls les PNJ et le narrateur prononcent des mots dans le jeu.

L’allégorie de la caverne

En jeu, la plate-forme se mêle au point & click. Quant à la caverne, elle a un petit côté mythologique. Si Socrate disait que l’homme voulait en sortir, là, c’est l’inverse. Tous veulent y entrer pour découvrir leurs vraies aspirations et suivre leurs propres voies. Ainsi, le scénario alterne des passages d’exploration pure dans les couloirs de la grotte, et des passages propres aux histoires des protagonistes. L’enchaînement se fait au travers de divers puzzle à résoudre, puis des portes à ouvrir, tout ça sans le moindre temps de chargement. L’un doit visiter le futur pour réparer des erreurs (mais tuer des gens), l’autre doit vaincre un dragon pour conquérir le cœur de sa princesse (mais il va aussi y avoir des morts), etc. Chacun doit se découvrir, et le joueur découvre les personnages en même temps.
En parlant de voyage dans le temps, mention pour la quête de la voyageuse spatiale, avec la méga référence à Day of the Tentacle. En effet, si l’idée de faire cohabiter les trois personnages ensemble et de les faire s’entraider pour évoluer (Gobliiins le faisait également en son temps), c’est dans DOTT qu’on a pu découvrir ce que ça donner de jouer à trois époques différentes. Mettre un rocher sous une goutte pour que dans le futur, les stalagmites ne se soient pas formées et que la porte soit ouverte pour les compagnons, par exemple. On se demande où les créateurs vont chercher leurs idées. Bien que déjà utilisés dans leurs productions, c’est toujours du bonheur de voir qu’on s’est creusé la soupière pour trouver de bons scénarios.

Prendre la saucisse, tirer le levier, tuer le dragon

Les énigmes d’ailleurs, sont le point fort du jeu, et de toute la saga conçue par Ron Gilbert en général. On retombe dans les puzzles typiques des jeux d’aventures. La plupart du temps, il faudra évidemment faire jouer les trois personnages simultanément afin de débloquer des passages, par exemple tirer trois leviers en même temps. Mais bien souvent, c’est plus ardu, comme attirer un monstre avec une saucisse pendant qu’un autre lui balance un truc sur la tête. Les énigmes sont très nombreuses et on pourrait un peu regretter que ce soit un poil compliqué à certains endroits. Ici, on retombe dans les travers des jeux de l’époque, c’est-à-dire des phases un peu obscures, où il faut être dans la tête du créateur pour comprendre où il veut en venir. Du coup, comme à l’époque de Monkey Island, la solution peut s’avérer quelques fois nécessaire. Notons au passage que des petits bugs de textures peuvent survenir çà et là. Un saut un peu trop près d’un bord peut bloquer le personnage dans un rocher par exemple. Bien embêtant quand on sait que tous les niveaux nécessitent la présence des trois personnages pour se terminer. Heureusement, la sauvegarde s’effectue en début de chaque «chapitre». Une sauvegarde qui n’est, sinon, disponible qu’en quittant le jeu, à tout moment.

Graphiquement, le jeu est magnifique. Il y a un petit côté cartoon, tout en mélangeant le graphisme des jeux d’époque. Pour autant, c’est loin d’être simpliste. Les effets de lumière et d’eau, dans la caverne, sont somptueux, dans des fresques aux belles couleurs et à l’atmosphère envoutant. D’autant plus que chaque passage colle à un style de personnage et à une partie du scénario. Les hautes montagnes bouddhistes, les égouts, la maison victorienne, le château et la grotte du dragon… C’est de toute beauté. Tout ça parsemé par des petits traits d’humour bien caractéristiques, comme les infobulles sur les objets. Pour exemple, ce long couloir avec une douzaine de torches, toutes nommées différemment (l’une affiche «machin qui brûle», l’autre «capitaine flamme», ‘voyez ?). Disséminés dans les niveaux, des «peintures rupestres», éléments affichés aux murs sur lesquels ils faut cliquer, sont activables si elles concernent les trois personnages pris. Il y en a six pour chaque personnage à trouver. Reconstitués, ces dessins dévoilent un peu de la psychologie des héros et permet de comprendre les histoires dévoilées très rapidement au début du jeu, qui sont toutes teintées de mystères et de sombres desseins.

Tout le jeu se veut au final simple et accessible. Au début, on ne sait pas qu’on a commencé à jouer, et nous voilà embarqué dans trois scénarios mêlés à la découverte de la caverne. Et à la fin, quand on a passé six heures à comprendre ce que sont réellement les héros qu’on a choisi, on en redemande. Ce qui tombe bien, c’est qu’il nous reste encore quatre personnages à découvrir, et tout un tas de combinaisons de trio à essayer. D’ailleurs, le jeu a pris le gros pari de faire en sorte que toutes les éventualités soient couvertes. En fonction des personnages pris, les scénarios diffèrent. Certains passages sont tout simplement contournés, d’autres peuvent être résolus à la loyale ou en choisissant des pouvoirs spécifiques aux héros, d’autres sont carrément centrés sur la quête propre au héros choisi. Clairement, c’est super bien orchestré, et ça incite à tout essayer. D’autant plus qu’on «ne peut jamais mourir dans la caverne». Le narrateur nous replace en effet sur une position préalable si jamais on a le malheur de tomber dans les flammes ou les piques. Le but, le vrai, c’est l’exploration, alors on ne s’encombre pas du reste. Et dire qu’on a attendu plus de vingt ans avant de revoir un digne descendant des jeux d’aventure des années 90…

Ron Gilbert n'a pas vieilli d'un poil, et grâce à son nouveau studio, il nous crédite d'un jeu d'aventure-plate-formes à tendance point & click qui renoue complètement avec l'ambiance, l'originalité et le graphisme des années 1990, lorsque les jeux du genre étaient portés par l'enseigne LucasArts. The Cave, c'est un conte, c'est un récit, c'est une supère bonne idée. Trois personnages, des dizaines de combinaisons, un talent de scénarisation, des graphismes de fou. Quasiment aucun défaut pour ce jeu, si ce n'est des bugs mineurs et une difficulté un poil trop grande. Pour le reste, on est face à du très haut niveau. Encore, encore! - Dévoilé le 28/01/2013 à 10h00 par Jivé.
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