Zboub, c'est vendeur comme nom Bruno?
En parlant d'Atari, tout le monde connaît plus ou moins l'histoire du logo. Dessiné par George Opperman en 1973, juste après la fondation du studio, il représente le Mont Fuji à Tokyo. Assez étonnant quand on y pense, puisque le groupe créé par Nolan Bushnell est américain. En réalité, le nom, tout comme le logo, n'est pas une version stylisée de la montagne japonaise, mais une référence au premier jeu culte de l'éditeur: Pong. Le logo représenterait deux joueurs face à un jeu Pong.
Atari, Inc, aurait pu s’appeler Seki, Tobi ou encore GetaEt le nom alors? Pareil, c'est une référence à son plus grand succès. Lorsque Bushnell créé sa société en 1972, il est déjà à la tête de Syzygy Engineering, un studio fondé en 1971. Il souhaite le transformer en réel studio de développement («l'incorporer», comme on fait en Amérique, en déposant 350$ chacun avec le co-fondateur), mais le nom est déjà déposé par une autre société. Il pense alors à des termes courts appartenant au jeu de go, «mon jeu préféré de tous les temps» (voir vidéo en-dessous). Atari est le nom d'une technique de jeu qui peut être traduit par «encercler» la pièce à prendre. Tout un programme. Hatari veut aussi dire «attention, danger» en Swahili. Et c'est le titre d'un film avec John Wayne en 1962 dont on dit qu'il est le film préféré de Nolan Bushnell. Bref, Atari, Inc, aurait pu s’appeler Seki, Tobi ou encore Geta.
Ils ont des chapeaux ronds…
La divinité guerrière devait être remplacée par une autre plus calmeLes Français sont assez fans des références à peine dissimulées dans les noms des sociétés. On trouve ainsi également Silmarils, dont le patron nous avait confirmé dans une interview récente que le nom était une référence au Silmarillion, une œuvre de Tolkien qui explique la genèse de toute la cosmogonie de la Terre du Milieu. Et surtout des Silmarils, trois joyaux magiques forgés par les Elfes. Ces joyaux se retrouvent dans le logo de Silmarils, société fondée en 1987 par trois personnes: André Rocques, son frère Louis-Marie, et Philippe Plas. «On voulait une connotation rôliste, héroic-fantasy. Nous ce qu’on voulait faire, c’était dans le domaine de l’imagination, pas que dans le jeu de rôle d’ailleurs. On a puisé dans notre culture cinématographique et littéraire», expliquait l'ancien patron à GameTrip.
Pour en finir avec la France, les plus anciens connaissaient sans doute déjà l'histoire de Delphine Software, le studio du prolifique Paul Cuisset, et qui est à l'origine de Another World, Flashback ou Fade to Black. En 1988, lorsque Cuisset fonde le studio avec le producteur de musique Paul de Senneville, ce dernier nomme la société du prénom de sa fille Delphine, ce qu'il avait déjà fait en 1976 avec son label Delphine Productions. L'anecdote veut qu'en 1992, une filiale soit créée sous le nom d'Adeline Software (notamment connu pour Little Big Adventure). C'est tout simplement le nom de la deuxième fille du compositeur.
Toys are us
En acronymes, on a également Jagex, qui vient de Java Gaming Experts, le premier slogan du studio. Ou encore Jaleco, de Japan Leisure Corporation. Côté initiales, on peut citer entre autres Kuju Entertainment, société de développement d'origine britannique et qui a notamment produit Rail Simulator. Là encore, solution de facilité: Kuju provient des initiales des cofondateurs Ian Baverstock et Jonathan Newth. Hein? Quoi? I et J? Quel rapport?
Un type qui s'est un peu creusé pour une référence haut de gamme, c'est John CarmackL'histoire veut que Jonathan rechercha dans un dictionnaire japonais la transcription de 9 et 10 (I et J sont à la 9e et 10e place dans l'alphabet anglais): ku-ju. Ils se sont un peu plus creusé le ciboulot, en effet.
Un type qui s'est un peu creusé, ou du moins qui a trouvé une référence un peu plus haut de gamme, c'est John Carmack. Le créateur de id Software en a un peu marre que tout le monde appelle sa boîte «idé» software et non «ide». Car en effet, le nom provient du «ça», une notion de Freud, qu'on avait déjà expliqué sur ce dossier il y a près de dix ans, suivez un peu. Notez d'ailleurs que le nom s'écrit officiellement en minuscule, et ce depuis la deuxième trilogie de Commander Keen. Le logo dessiné, quant à lui, a attendu 1992 pour être refondé et se mettre également en minuscule.
Effets graphiques
Enfin, citons Naughty Dog pour son histoire intéressante. Le studio américain, qui signifie littéralement «chien méchant», a été fondé en 1984 sous le nom Jam Software par Andy Gavin et Jason Rubin, deux concepteurs bien connus du milieu. Le studio de deviendra Naughty Dog qu'à la suite du renommage de 1989. En fait, il s'agit simplement d'un hommage à la chienne d'Andy Gavin, morte durant le développement du jeu Keef the Thief cette année-là (une vidéo commerciale montre le développement d'un jeu sous le point de vue d'un chien nommé Morgan, comme la chienne d'Andy, en 1998, voir ci-dessous). Des références de ce genre, vous l'avez peut-être compris en parcourant ce dossier, sont l'apanage des studios des années 1980 et 1990. Cela correspond notamment à l'âge d'or des jeux PC mais aussi à une certaine période où il était plus facile de découvrir des nouveaux noms car peu étaient déjà utilisés. De nos jours, un nom de domaine sur Internet doit être cherché, analysé, brainstormé pendant des semaines. Au début du Net, on pouvait trouver un ratonlaveur.com sans doute les doigts dans le nez. Et bien là, c'est pareil.
Et pourtant, de nos jours, certains reviennent à ce choix de nom épuré, qui ne veut pas forcément faire dans la surprise, mais juste être international et compréhensible rapidement: Little Games Company (studio de petits jeux), Traveller's Tale (conte du voyageur), Big Huge Games (très gros jeux), Marvelous (merveilleux), Massive (ben, massif quoi)... Spicy Horse (cheval épicé)? Les nouveaux studios sont également friands d'effets graphiques, de redondance ou de doubles sens. C'est par exemple le cas de DONTNOD dont la graphie du nom permet d'être lu dans les deux sens sur le logo, mais qui ne veut pas dire grand chose (ne pas hocher de la tête?) Seront-ils encore dans les livres d'histoire du jeu vidéo dans 40 ans?
Les histoires derrière les noms des studios de jeux vidéo ne veulent pas toujours dire quelque chose. Si certains éditeurs ont caché des références plus ou moins grossières, d'autres ont juste cherché une sonorité, une graphie, un concept dédié à leurs œuvres. On note cependant des effets de modes (le terme «software», les acronymes et abréviations, les noms-phrases qui veulent tout résumer) qui reviennent au fil des années. Mais aucun ne permet de présager de la notoriété future d'un studio. Est-ce que Infogrames aurait autant marché en s'appelant Zboub? On ne pourra jamais dire. ■ Jivé pour GameTrip.net